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 « La bataille de la modération est déjà gagnée »
Actualité
  Nous avons demandé à Krystel Lepresle, déléguée générale de l’association de lobbying Vin & société, si, face à l’augmentation des campagnes anti-alcool de type Dry january, les producteurs et
les négociants de vins avaient du souci à se faire.
La consommation de vins est-elle toujours à la baisse ?
Depuis 60 ans, nous constatons une baisse structurelle de la consommation de boissons alcoolisées en France. De 200 litres par an consommés en France dans les années 1960, nous sommes passés aujourd’hui à 80 litres. C’est vrai pour tous les alcools, mais la bière s’en sort mieux avec une baisse de seulement 18 %, quand les vins ont chuté de 70 %. Ces dernières années, on a vu la bière reprendre des couleurs avec une consommation qui remonte de 3 %, quand elle ne fait que baisser pour le vin, et le vin rouge en particulier.
Les campagnes prônant la sobriété, de type Dry january, y contribuent-elles ?
Dans les causes de la baisse de consommation des vins, quelle est la part des campagnes de santé publique et celle des évolutions sociétales ? Difficile à dire. Notre société est en pleine évolution. Urbanisée, elle s’éloigne toujours plus des lieux où sont produits ce qu’elle consomme. Les transformations du modèle familial - plus de familles monoparentales, de gens vivants seuls, quasiment plus de domiciles intergénérationnels...- changent aussi les façons de partager à table. La consommation de vin de notre société a baissé et elle est désormais raccord avec les préconisations de santé publique. Les 2,2 verres maximum par jour, on y est.
Krystel Lepresle, déléguée générale de Vin & Société - © Vins & Société
 Alors, on peut s’interroger sur la pertinence d’une campagne de type Dry january qui fait l’apologie de l’abstinence sur un mois. Elle fait chuter les ventes sur le mois, mais apporte-t-elle un plus en matière de consommation modérée et responsable toute l’année, telle que nous la prônons ? Pas sûr.
Comment expliquez-vous le rôle paradoxal de Vins & Société, structure qui défend les intérêts des producteurs et négociants du vin et prône une consommation modérée ?
Une consommation responsable des vins a toujours été le crédo de Vins & société. C’est vrai, nous représentons les acteurs de la filière viti-vinicole qui ont besoin de produire et vendre des vins. Mais qu’auraient-ils à gagner à ce que leurs clients tombent malades ou dans l’addiction ? Nous militons en faveur de repères clairs pour une consommation responsable toute l’année, pas seulement un mois sur douze. La défense des intérêts de notre secteur ne se fait pas au détriment de la santé publique. Nous avons été les premiers à dire : pas d’alcool pendant
la grossesse. Notre travail, comme celui des associations de prévention de l’alcoolisme, a fait qu’aujourd’hui la bataille de la modération est gagnée.
Si vous avez gagné la bataille de la modération, quelles seront les prochaines ?
Notre prochain challenge est celui de la transmission de nos valeurs aux jeunes consommateurs. Le vin n’est plus synonyme de cool pour les millennials. Leur façon de faire société a changé, ils sont plus derrière leurs écrans, moins dans la consommation-partage. Les études révèlent qu’ils associent le vin aux excès, à l’ivresse. Bref, la génération Z qui vit dans un monde en tension, où la productivité est érigée en valeur, tout comme la bonne santé et la jeunesse, se méfie du vin. Paradoxalement, la bière s’en sort mieux, elle a trouvé sa place, notamment dans les festivals de musique, comme une boisson de convivialité. Nous devons nous interroger sur nos façons de communiquer sur le vin. À l’évidence, nous n’avons pas su en parler aux jeunes.
N’est-il pas trop tard pour parler de
11 CONNEXION - VINS DE BERGERAC ET DURAS - AVRIL 2023


















































































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