Page 10 - GESI n°96 // Mai 2022
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10 // LES SAÉ ET LEUR MISE EN PLACE SUR LE TERRAIN
   À Salon de Provence
Comment on danse...
Dans l’évolution vers le BUT, l’organisation de la formation dans son ensemble est secouée par l’importance symbolique prise par les SAÉ. Précédemment, les Études et Réalisations, précurseures des SAÉ, étaient reléguées en deuxième division, le plus souvent pour de mauvaises raisons : notées avec générosité selon les tenants des “vraies” matières, le plus souvent conduites en groupe, parfois accusées de racheter indûment des étudiants en difficulté. Même jugement négatif sur les heures tutorées, mal digérées dès leur apparition, et souvent restées au stade d’une verrue gérée à la va-comme-je- te-pousse par bien des départements qui, démunis, bricolaient avec leur volume important et les coefficients associés. Cette fois, l’articulation SAÉ-Heures tutorées se replace au centre du jeu, et offre, à ceux qui y ont toujours cru, l'occasion d’effectuer le grand saut vers l’intégration des activités techniques comme aboutissement de la formation.
La jointure s’opère par l’articulation entre la technique (comme support), les heures tutorées (comme espace d’apprentissage) et portfolio (comme outil de consolidation).
Les supports techniques, il faut le dire, constituent le point d’entrée privilégié de ceux qui, auparavant enseignants, sont en train de changer de posture pour devenir accompagnateur ou tuteur, selon le terme qui convient à chacun (sans omettre de le conjuguer au féminin !), voir expert si l’on se focalise sur la compétence métier.
Quand on demande à un collègue de parler de ce qui se passe en SAÉ dans son département, c’est en premier un objet technique qu’il évoque : ici un testeur de batterie ou une armoire de câblage électrique, là un thermostat électronique ou une alimentation photovoltaïque pour téléphone portable, plus loin un robot suiveur de ligne ou la maquette d’un process industriel.
Les sujets sont souvent hérités de l’histoire, ayant par le passé constitué la base d’ER ou PER de 1ère année, mais certains tentent l’aventure à partir de sujets complètement nouveaux, dans lesquels la pluridisciplinarité est dès le départ un atout pédagogique essentiel, puisqu’il va permettre de décloisonner les disciplines, et d’extraire l’étudiant du carcan des matières. Les supports sont choisis avec l’intention d’ancrer l’étudiant dans un rapport étroit au concret et aux implications quotidiennes des applications sur lesquelles il travaille.
L’intention se prolonge dans le souci de placer l’étudiant en situation de réussite, de sorte qu’il soit, le plus rapidement possible, en mesure de se dire “j’y suis arrivé, c’est moi qui l’ai fait”. Peut-être ira-t-il même jusqu’à imaginer qu’il est bon à quelque chose, refoulant ainsi le sentiment négatif de ne servir à rien dans une société qui avance sans eux ?
À l’IUT de Lille
Qui dit situation technique, dit obligation de disposer d’un minimum d’outils dans son bagage. Or, à l’arrivée à l’IUT, le bagage est assez plat, presque vide.
Et il faut aller vite : impossible de passer des semaines en cours à ingurgiter tout ce qu’il serait bon de connaître avant de poser le moindre geste, impossible de s’en remettre à la stratégie du gavage qui a, depuis trop longtemps, montré ses limites.
Les SAÉ obligent à décaler le point de vue, en le rapprochant de la situation que le professionnel rencontrera plus tard : lorsqu’il doit trouver une solution face à un problème nouveau, celui-ci explore, recherche, élargit son champ de connaissances et de savoir-faire, sans attendre qu’on apporte une solution à sa place à la question posée. Dans les expériences rencontrées, on voit comment les équipes ont cherché à reconstituer la démarche. Pour un étudiant, bien sûr, le chemin doit être balisé, mais ce qui est jalonné, ce n’est pas le chemin de la solution technique, c’est celui de la recherche. Concrètement, ici on met en place des scénarii d’exploration, on met en scène des contraintes entre lesquelles l’étudiant ébauche, construit, consolide son (tout petit, au départ) œuvre.
Au fil des SAÉ, l’ouvrage grandira en surface et en complexité, jouant d’une seule d’abord, puis de plusieurs compétences.
La scénarisation de l’apprentissage repose, dans l’état actuel des pratiques, sur une alternance entre heures tutorées (avec ou sans accompagnement) pendant lesquelles la priorité du travail personnel est à la collecte et à la mobilisation des connaissances autour du sujet technique, et les séquences pratiques en labo, nécessairement à l’IUT.
L’enchaînement de ces moments, dans lesquels l’étudiant est sollicité en direct sur le terrain ou renvoyé à lui-même et à sa propre responsabilité d’apprenant, est une alchimie fragile, et beaucoup s’accordent sur la nécessité d’évoluer, de réajuster. L’autonomie, le seul enjeu véritable de la rénovation des programmes, demande du temps pour s’affirmer, elle s’étaye très progressivement, sans jamais se couler dans un modèle universel : quoique l’on fasse, quoique l’on souhaite, l’autonomie demeure une expérience personnelle, intime, qui revient à chacun, qu’il soit étudiant ou tuteur du reste !
  GESI // 41e ANNÉE


















































































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